RÉPONSE À BOUSSOUF SUR LES DROITS POLITIQUES DES CITOYENS MRE (5) – Dr Abdelkrim Belguendouz

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5- Une directive royale non suivie 

Cet avis consultatif  avait été en effet demandé par le Souverain, le 21 décembre 2007, lors de l’audience royale de nomination de Driss El Yazami et Abdellah Boussouf, respectivement président et secrétaire général du CCME, avec administrativement et matériellement le grade respectif de ministre et de secrétaire d’Etat. Leurs postes leur sont toujours attribués plus de 12 ans après, en dépit des résultats très médiocres du Conseil et des multiples dysfonctionnements qu’il connaît.

Le communiqué du Cabinet Royal du 21 décembre 2007, souligne notamment ceci: «À cette occasion, Sa Majesté le Roi a rappelé les larges attributions consultatives  que le Souverain a conféré audit Conseil pour permettre aux membres de la communauté marocaine à l’étranger, où qu’ils se trouvent, d’exercer la plénitude des droits attachés à leur citoyenneté. Par ailleurs, Sa Majesté le Roi a insisté sur le devoir qui incombe au Conseil de s’attacher, en plus de l’exercice de ses attributions, à approfondir la réflexion sur l’action à mener et à œuvrer de manière impartiale, en toute responsabilité et avec la sagesse, la clairvoyance et l’ouverture d’esprit requises, en vue de soumettre à la Haute Appréciation Royale, des recommandations sur les garanties nécessaires à assurer pour que le prochain conseil choisi gagne en représentativité, ainsi que sur les conditions à réunir pour garantir une présence réelle, globale et graduelle des citoyens marocains à l’étranger, au sein de toutes les institutions nationales et de tous les secteurs d’activité du pays». 

Or cette directive royale, n’a jamais été suivie.

6- Le Mémorandum urgent des «cinq» au président du CCME 

Les freins et obstacles mis au fonctionnement normal du groupe de travail, afin de formuler deux avis consultatifs, l’un sur le prochain Conseil, l’autre sur la participation politique et représentation parlementaire des citoyens MRE, ont entraîné notamment l’envoi au président du CCME, fin juillet 2009, d’un mémorandum au vitriol par le groupe des «cinq», (tous membres de la commission du Conseil sur la citoyenneté et la participation politique), mémorandum qui a été publié en son temps, notamment par Dounia News, Yabiladi.com et reproduit par la suite à l’avènement de WakeUp Info, dans la rubrique «Dakira».

Ce document montre que les raisons de la non préparation de projets d’avis consultatifs par ce groupe de travail, sont dues essentiellement à la gestion calamiteuse, opaque et très autoritaire du «régime hyper présidentiel» du CCME (selon la formule de l’un de ses membres). Tout comme elles sont dues au travail d’obstruction, de sape, ainsi qu’à l’opposition viscérale de sa direction tripartite à la participation politique par rapport au Maroc des citoyens marocains établis à l’étranger.

Le premier des reproches essentiels à la présidence du CCME, qui avait sur ce point comme en d’autres, l’appui inconditionnel des deux autres membres de la direction du Conseil, est le suivant: «persistance non compréhensible de la présidence du CCME dans l’ignorance concernant le droit des citoyens marocains établis à l’étranger à la participation politique, comme condition de leur exercice de la citoyenneté pleine et entière par rapport au Maroc, et refus d’inscrire cette question dans les sondages d’opinion concernant leurs attentes et aspirations, alors que celles-ci ont été prises en considération dans les discours royaux et dans le dahir portant création du CCME».

Une deuxième critique de fond figurant dans le mémorandum urgent est la suivante: «non-respect par la présidence du CCME de l’autonomie de fonctionnement du groupe de travail et imposition au groupe du conseiller du Président. Ce conseiller a manifesté dès le début et notamment lors du séminaire international organisé par le CCME les 3 et 4 mars 2009, ainsi que lors de la discussion liée à la préparation des documents concernant les futures consultations, une attitude très rigide, un parti-pris personnel flagrant et l’absence d’ouverture d’esprit, refusant toute idée de participation politique des citoyens marocains à l’étranger à partir des circonscriptions législatives de l’étranger. Cette démarche est en porte-à-faux avec l’avis des membres du groupe de travail, en totale contradiction avec les attentes de la communauté marocaine à l’étranger et s’appuie sur une lecture erronée du discours royal».

Précisons ici, que le président du CCME a été entouré notamment d’un conseiller spécial, professeur de sciences politiques, ex-membre du groupe de travail de l’ex-CCDH qui a préparé le projet d’avis consultatif concernant la création du CCME, ex-membre de l’Instance Équité Réconciliation (IER) .Tout comme ce conseiller a été nommé le 10 mars 2011, membre de la commission consultative de réforme de la constitution (comme on le verra dans une partie de cette contribution qui paraîtra dans Diwane.net).  Le second conseiller (Ahmed Siraj) qui l’a remplacé suite à son décès, a poursuivi dans la même ligne politique antiparticipationniste s’agissant des citoyens MRE.

7- Démission du CCME de Abdou Menebhi 

Les choses étant restées en l’état, tous  ces blocages et entraves mis par la direction tripartite du Conseil, ainsi que le détournement des missions fondamentales (consultative et prospective) de l’institution et sa gestion avec autoritarisme, ont entraîné également la démission fracassante en février 2013 du militant associatif Abdou Menebhi (EMCEMO, Amsterdam), du poste de rapporteur de la commission «citoyenneté et participation politique» et même du CCME (alors que sa volonté n’a nullement été respectée, son nom n’ayant pas été supprimé, mais paraissant toujours en février 2020, dans le site officiel du Conseil).

Depuis lors, reniant leurs positions antérieures et leur engagement militant dans le cadre de la plateforme «Daba 2012», qui était non seulement un espace de débat pour faire avancer le dossier politique MRE, en prévision des législatives 2012 (devancées finalement en 2011), mais également et indirectement, dans un mouvement d’opposition à la direction du CCME, réfractaire à la pleine citoyenneté des MRE, d’autres membres de la commission défendent maintenant, bec et ongles, les responsables du Conseil. Ils affirment que ces derniers ne se sont jamais opposés à cette participation politique, qu’ils n’ont jamais été réfractaires au droit de vote MRE, que le CCME n’a jamais été en opposition à cette participation et qu’il n’a rien à voir la-dedans !!!

Se référer ici à l’émission du 15 janvier 2020 de Radio 2M, en partenariat avec Yabiladi et animée par Mohamed Ezzouak, consacrée à la question de la participation politique des MRE et publiée sur le site yabiladi.com. Inutile d’interpeler «sympathiquement» ou d’être «indulgent» à l’égard de l’auteur de ces lignes pour l’amener à être amnésique!

8- Une revendication respectable

Insistons pour dire que les droits politiques par rapport au Maroc, à reconnaître dans les faits aux citoyens marocains à l’étranger, ne sont pas de l’exploitation politicarde, de la surenchère politicienne, du «donquichottisme», une agitation inutile, stérile et contre-productive, voir même négative, une revendication démesurée ou disproportionnée, un slogan simpliste ou réducteur, un «luxe» injustifié ou une attente superflue , mais constituent une demande démocratique légitime et des revendications citoyennes respectables, à prendre en considération et à traiter avec dignité, responsabilité et respectabilité. Cette approche doit être intégrée non seulement par la direction du CCME, mais aussi par certains responsables au niveau du département ministériel chargé des MRE.

Ici nous nous reprendrons à notre compte une formule de l’ancienne ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères, Nouzha Chekrouni (USFP) énoncée le 13 juillet 2004 dans le cadre de l’émission de télévision
«Entreprendre». En effet, la situation à laquelle elle faisait allusion il y’a de cela 16 ans, n’a pas encore changé d’un iota en février 2020, en dépit du passage après elle des ministres suivants à la tête du département chargé des MRE : Mohamed Ameur (USFP), Abdellatif Maâzouz (Parti de l’Istiqlal), Anis Birou (RNI), Nezha El Ouafi (PJD).

La revendication des MRE de voter avait-elle précisé, est «une demande urgente, pressante, très importante et tout à fait légitime», à traiter «avec beaucoup de sérieux» (MAP et publié dans « L’opinion » du 15 juillet 2004).

9- Pour une politique du vrai

Ceci nécessite en effet une politique du vrai, du sérieux et non pas une démarche mensongère comme celle consistant à dire, au niveau de la Direction de la coopération, des études et de la coordination sectorielle, relevant actuellement du ministère délégué chargé des Marocains résidant à l’étranger, que l’on a une véritable stratégie nationale globale, cohérente et intégrée en matière de MRE, publiée d’ailleurs sur le site officiel du département, alors qu’il s’agit ici d’une véritable imposture.

Ainsi, concernant les attentes citoyennes et politiques des Marocains résidant à l’étranger par rapport au Maroc, partant des fondements de cette «stratégie» constituée prétendument notamment  par les dispositions de la Constitution rénovée de 2011, notamment l’article 17, au lieu de proposer des formules concrètes du passage à l’acte, la « stratégie » met en avant deux éléments:

En premier lieu, parmi les «principales faiblesses actuelles l’émigration au Maroc», elle décréte les «difficultés de l’exercice du droit de vote» sans préciser par quels moyens et mesures, ces difficultés hypothètiques peuvent être surmontées. En second lieu, la «stratégie» se contente de prévoir les deux mesures «stratégiques» suivantes, comme si on ne savait pas encore quelles sont les préoccupations politiques des citoyens MRE appelés ici MDM ou Marocains du monde par rapport au Maroc et comme si la Constitution, à travers la nécessaire interprétation démocratique de l’article 17, n’avait pas déjà tranché le problème.

En effet, la soit-disante stratégie est encore à la «poursuite de la  réflexion dans l’optique de permettre la participation des MDM à la vie politique marocaine:

*Organisation de séminaires-débats autour des préoccupations politiques des MDM

*Mise en place d’une plate-forme de recueil des attentes et propositions des MDM» (!!!)

Ainsi, une table ronde élargie sur la participation politique des MRE, a été organisée par ce ministère le 2 août 2017 à Rabat, mais l’enseignement principal tiré plus tard de la rencontre et utilisé comme argument par le gouvernement, face aux parlementaires qui le critiquent pour l’absence de représentation parlementaire des citoyens MRE, est le fait que ce genre de table ronde «suscite des polémiques», montre la diversité de points de vue de MRE, que «les Marocains du monde ne sont pas d’accord entre eux»  sur beaucoup d’aspects concernant cette question, qu’il y a un grand fossé qui les sépare.. pour ne pas passer à l’acte!!!

Demain, nous verrons le double langage du SG du CCME et la non existence d’un avis consultatif du Conseil relatif à la représentation MRE à la Chambre des Conseillers.

Abdelkrim Belguendouz

Universitaire à Rabat, chercheur en migration

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